[Deuxième texte d’une série de deux. Cliquez ici pour lire le premier.]
Pis? La semaine?
Comment vous trouvez ça à date de voir la plus grande démocratie du monde basculer vers le fascisme à la sauce techno? Entre le dépôt d’une résolution républicaine visant à modifier la constitution pour permettre à Donald Trump de solliciter un 3e mandat à l’instauration d’une ligne nationale de délation pour identifier les employés fédéraux tentés de protéger les personnes embauchées en vertu des politiques de diversité, équité, inclusion et accessibilité (DEIA en anglais, EDIA en français) en passant par les raids des services d’immigration (ICE) qui ont mené à l’arrestation de 538 personnes en une seule journée, il ne reste plus grand doute sur la signification réelle du slogan Make America Great Again. Culte de la personnalité, délation, purge et gestapo, what could go wrong?
Pour se féliciter de sa première semaine très productive dans le bureau ovale à Washington, Donald Trump a nolisé Air Force One pour aller faire la fête dans un casino à Las Vegas avec son entourage. Parmi les convives, Stewart Rhodes, fondateur de la milice d’extrême droite Oath Keepers et fier participant de l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole. Rhodes fait partie des 1600 idiots graciés cette semaine par le président Trump. Ce militant d’extrême droite initialement condamné à 18 ans de prison est maintenant libre de jouer au blackjack aux côtés du président des États-Unis. Again, what could go wrong?
Pendant que le président Trump frayait avec sa gang à Las Vegas, le président Musk faisait de même avec une partie sa gang, tsé celle qui est basée en Allemagne? Yep. Après avoir alimenté pendant toute la semaine des débats aux quatre de la planète sur son adhérence potentielle à l’idéologie nazie, Elon Musk, en bon troll, a décidé de participer à un rassemblement d’AfD, le principal parti d’extrême droite en Allemagne, par visioconférence.
Non mais pour vrai. What could go wrong au cours des prochaines années?
Durant son allocution donc, Elon Musk a chanté les louanges de l’AfD et la nation allemande dont « l’histoire remonte à des milliers d’années » . Il a également trouvé une façon de faire allusion à César (hachetague salut romain ou quoi?).
Ça fait genre 3-4 fois qu’Elon Musk manifeste son appui à l’AfD, un parti climatosceptique et islamophobe qui prône en plus un retour aux valeurs familiales traditionnelles pour booster les taux de natalité. L’AfD promet également de maintenir la ligne dure en matière d’immigration. Si le parti ne défend pas ouvertement un programme misogyne et raciste (veuillez noter que dans mon livre à moi l’islamophobie est indissociable du racisme though), il n’en demeure pas moins que certains de ses représentants ou de ses membres se retrouvent périodiquement au coeur de polémiques misogynes et racistes.
Il faut comprendre que l’extrême droite n’est pas un bloc monolithique; c’est un spectre. Parfois les membres les plus extrémistes (lire ici : néo-nazis) taisent leurs ambitions, édulcorent leur discours et se rallient à des voix plus « modérées » pour éviter de rebuter la population générale et se rapprocher du pouvoir. C’est vrai en Allemagne, c’est vrai en Suède, c’est vrai en France, au UK, aux États-Unis, au Canada, au Québec et j’en passe. Bon, il y a encore une bonne gang de pogos qui font ouvertement l’apologie d’Hitler et qui sont abonnés aux croix gammées. Ceux-là, on les qualifie de « wignats » sur les internets.
Pour en revenir à Elon Musk, c’est pas étonnant du tout qu’il backe l’AfD. Je l’ai dit dans mon texte précédent et je vais le répéter dans celui-ci : Elon Musk est un néo-nazi. C’est pas juste un républicain ou un conservateur ou un libertarien comme on les conçoit ici au Québec pis au Canada. Le dude est un masculiniste en puissance qui croit à la supériorité intellectuelle de certaines « races » sur d’autres. C’est un eugéniste qui, poussé par son obsession pour la génétique, a littéralement fondé une entreprise dédiée au transhumanisme (Neuralink) dont les activités sont assez nébuleuses. Elon Musk adhère en outre à la théorie débile du Grand remplacement en faisant ici et là des petits calls à propos de « l’effondrement démographique » aux États-Unis pis dans le reste de l’Occident. Et il le fait en utilisant un langage propre à la manosphère qui ne laisse aucun doute sur ses allégeances.
On a un vrai problème quand l’homme le plus riche du monde se revendique d’une idéologie misogyne out of fucking nowhere sur un réseau social qui compte au moins 400 millions d’utilisateurs actifs par mois. Au même du tweet ci-dessus, Twitter ne lui appartenait pas encore, mais depuis qu’il l’a racheté, il continue de relayer sur sa plateforme super mainstream du contenu ultra problématique qui reprend des talking points des mouvements masculinistes, racistes et suprémacistes actifs ailleurs sur le web.
Je sais que nombreuses personnes sont complètement abasourdies de découvrir l’autre visage d’Elon Musk et qu’elles ont encore de la misère à concevoir qu’une personne dotée d’une intelligence aussi importante puisse être un fucktard en parallèle. J’aurais tendance à répondre que c’est de famille dans son cas. La pomme n’est pas tombée bien loin de l’arbre, selon moi. Pour comprendre Elon Musk aujourd’hui, il faut s’intéresser à Elon Musk hier.
Sachez que l’homme le plus riche du monde vient d’une famille de coucous. Ses parents sont des coucous et ses grands-parents étaient des coucous. Allez, je vous fais un condensé de mes recherches. On part ça avec la toune de la série Dynastie pour se mettre dans l’mood.
Elon Musk est né en 1971 à Pretoria, en Afrique du Sud. Il est l’aîné de sa fratrie. Sa mère, Maye, et son père, Errol, ont 3 enfants ensemble (dont lui obvi) puis se séparent. Leur mariage a été marqué par la violence conjugale. Maye décrit Errol comme un véritable tyran.
Après le divorce, Errol continue de se reproduire. Il faut dire qu’il se qualifie lui-même de nataliste. Et là, je vais faire un clin d’oeil à mon texte précédent : je veux tellement pas que vous passiez à côté des déclarations d’Errol Musk au sujet de sa vision de la natalité que je vous droppe le lien de l’entrevue drette-là, sans habillage.
« One need only go to England and go to the Cheltenham area, the horse breeding area, and say, 'Look, we're not going to breed the horses anymore by any form of standard. I've got a few old horses I've found in Nigeria and we're going to just mix them with your race horses […] They'll say, no, no, no, no, no' » — Errol Musk
Sinon…vous savez déjà qui d’autre est obsédé par la natalité.






Quand je vous dis que la pomme n’est pas tombée bien loin de l’arbre. Allez, revenons au vieux chêne.
Errol Musk a en tout 7 enfants de 3 femmes différentes dont deux qu’il a eu avec sa belle-fille. Vous avez bien lu. Oui, je sais. Yark.
Woody Allen, is that you?
Ah non, on dirait plutôt que c’est Al Pacino.
Nenon, je plaisante, c’est bien Errol Musk. Vous aurez compris que ce dernier est un creep doublé d’un excentrique. Il aime beaucoup s’entendre parler et accorde des entrevues à n’importe quel dude random qui a un podcast. Dans ces entrevues, il n’a aucun filtre. Pour preuve, dans cette balado, il explique candidement avoir déjà tué une couple de personnes à la suite d’une invasion à domicile. C’est une anecdote qu’il se plaît à répéter depuis des années.
Pour la petite histoire, Errol Musk a des racines européennes, britanniques et sud-africaines. Il vient d’une famille bourgeoise qui a toujours eu des liens étroits avec le pouvoir, soit économique, soit politique. Errol est ingénieur de formation et est devenu au fil du temps une figure politique reconnue et un homme d’affaires prospère avec des activités lucratives dans l’immobilier et dans l’exploitation de minerai. Genre il est co-propriétaire d’une mine d’émeraude.
Juste pour qu’on soit sur la même longueur d’ondes et que le combat de Nelson Mandela ne soit pas vain : une famille 100% blanche propriétaire d’une mine en Afrique ce n’est jamais legit. Ça implique forcément des systèmes et des lois traficotés en sa faveur. Ça implique forcément que les populations autochtones ont été dépossédées de leur territoire et de leurs ressources. Parfois ces populations ont aussi été réduites en esclavage, comme c’est le cas en Afrique du Sud, un pays où la colonisation a revêtu différents visages au fil des siècles avec une apogée entre 1948 et 1991-ish, sous l’apartheid. Ça c’est la période durant laquelle la minorité blanche sud-africaine a maintenu une domination politique, économique et sociale sur la majorité noire grâce à des lois basées sur la discrimination raciale et la violence.
Jamais legit donc, même si les familles blanches sont là depuis longtemps, même si elles forment une société distincte.
En Afrique du Sud, pour réparer les inégalités socio-historiques entre les Blancs et les Noirs, on a éventuellement mis en place des mesures de « discrimination positive » pour favoriser l’insertion de la majorité noire dans les différentes sphères de la société. Ces mesures ont garanti aux Noirs une meilleure représentation politique et culturelle ainsi qu’un meilleur accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi et au territoire at large. Cette redistribution du pouvoir et de la richesse est toutefois encore la source de tensions importantes entre les Sud-Africains blancs et les Sud-Africains noirs. Beaucoup de Blancs là-bas, en particulier les Blancs pauvres depuis plusieurs générations, soutiennent qu’ils sont victimes de racisme inversé.
Sinon…vous savez déjà qui d’autre s’estime victime de racisme inversé.



Maintenant vous comprenez pourquoi Elon Musk vire su’l top quand il est question d’équité, de diversité et d’inclusion. C’est lié à son identité et à bagage de vie.
Parlant de bagage de vie, ça me semble être le bon moment pour parler de celui de maman Musk. Maye.
Maye Musk est d’origine canadienne, elle vient de Regina, en Saskatchewan.
Sa mère était une artiste et son père, Joshua N. Hadelman, une espèce de créature excentrique comme il ne s'’en fait plus. Pensez au film The Aviator, avec Leonardo DiCaprio, qui raconte la vie du milliardaire Howard Hughes.
Déjà la mère de Joshua (donc la grand-mère de Maye) a brisé un plafond de verre en devenant la première chiropraticienne enregistrée du Canada. La première personne tout court, hommes-femmes confondus.
Joshua a décidé de suivre ses traces, mais il a aussi entretenu d’autres passions en parallèle comme l’archéologie, la politique et l’aviation.
Il s’est impliqué au sein d’un parti politique canadien durant la Seconde guerre mondiale. Un parti associé au mouvement technocrate, un mouvement qui dit grosso modo que les personnes les plus qualifiées et efficaces pour gérer l’État ne sont pas les politiciens de carrière, mais bien les ingénieurs et les scientifiques. Hum. Est-ce que ça vous rappelle pas quelqu’un?
Sinon grand-papa Hadelman était un antisémite assumé qui méprisait aussi les gens de couleur, mais à un degré un peu plus élevé que le Canadien moyen (également généralement raciste).
Vous pouvez écouter Errol à ce sujet. Vous êtes chanceux que mon algorithme ait poussé cet extrait dans mon feed 24 heures APRÈS que j’ai écouté la balado d’où il est tiré. C’est 2h15 que je ne retrouverai jamais. Yé!
Le père de Maye a choisi de déménager toute la famille en Afrique du Sud durant les années 50 parce qu’il était séduit par l’idée derrière l’apartheid. Il trouvait ça nice. Pour de vrai. Pour lui, cette terre-là était un cadeau du Seigneur pour les populations blanches chrétiennes (pour les férus d’histoire, y’a un peu de manifest destiny dans cette vision-là et si vous avez suivi l’actualité, vous savez que Trump a parlé de manifest destiny dans son discours inaugural. Toute est dans toute). De son vivant, il a qualifié les Sud-Africains noirs de peuple primitif. Évidemment.
Après l’installation en Afrique du Sud, Joshua a passé les années suivantes à amener sa famille en excursion partout en Inde pis dans le reste de l’Afrique avec son avion à hélice parce qu’il était à la recherche d’une cité perdue. Sa passion téméraire pour l’aviation lui a éventuellement d’ailleurs coûté la vie : il est mort dans un crash.
Elon Musk a mentionné à plusieurs reprises qu’il vénérait ce grand-père complètement crackpot aux allures de savant-fou.
Et pour ceux qui suivent Elon Musk et ses fans depuis longtemps (j’en suis), c’est connu qu’il se voit comme une sorte d’Iron-Man. Vous savez le personnage interprété par Robert Downey Junior dans l’univers de Marvel?
Le personnage d’Iron-Man vient lui aussi d’une famille de dudes inventeurs. Le fils, le père, le grand-père. D’ailleurs un des scénaristes des films Iron-Man a confié qu’Elon Musk avait servi d’inspiration pour l’adaptation de la bande-dessinée au cinéma. Musk fait actually un petit caméo dans le 2e film.
Voilà, j’espère que vous appréciez ce petit résumé sur une partie de la famille Musk. J’aurais pu continuer longtemps, notamment sur le personnage de Maye qui est très funky. C’est une petite madame mannequin et diététiste obsédée par la santé et à la malbouffe, à mi-chemin entre Yolanda Hadid et Gwyneth Paltrow, c’est-à-dire un cauchemar ambulant. Elle fait des commentaires de complètement déconnectés et elle a l’air de constamment se demander pourquoi on ne mange pas de la brioche sans sucre nous autres aussi. Vous voyez le genre.
Bref, c’est un exercice assez long, mais quand même le fun de remonter l’arbre généalogique de la famille Musk.
À défaut de savoir exactement ce qui se passe dans la tête de celui qui voudrait être calife à la place du calife, ce genre d’exercice offre un certain éclairage super intéressant sur son conditionnement. Si la pomme est aussi pourrie, peut-être le problème vient-il en fait de l’arbre.
Pourquoi ce n'est pas ce genre d'article passionnant (et effrayant) que je lis dans le Devoir ?
Passionnant et terrifiant, merci