Voilà maintenant un peu plus d’un mois que Donald Trump a été assermenté comme 47e président des États-Unis. Depuis, tous les jours on a des grosses semaines, comme dirait ce bon vieux Loud.
J’ai passé le dernier mois su’l gros nerf. Je n’avais pourtant entretenu aucune illusion; je le savais que Donald Trump allait gagner la dernière élection (RIP Kamala), mais je croyais naïvement que cette victoire allait suffire à satisfaire son ego meurtri depuis sa défaite contre Joe Biden en 2020. J’étais sûre que Donald Trump allait simplement se complaire dans sa petite revanche sur l’Histoire, narguer les démocrates et les « merdias » sur les réseaux sociaux pis sourire pour sa petite photo d’usage dans le bureau ovale avant de reprendre le chemin de Mar-a-Lago, son palace floridien tacky as fuck, pour aller jouer au golf entre deux coups de fil intempestifs à ses homologues internationaux.
Bref, je pensais sincèrement que Donald Trump allait nous sacrer patience.
Jamais je n’aurais pu croire que le démantèlement de la plus vieille démocratie du monde moderne était le projet phare sur sa carte de bingo.
Oui, j’avais entendu parler du « Projet 2025 », cette espèce de bible de 900 pages rédigées par le Heritage Foundation, un think tank conservateur qui propose un plan pour ramener les États-Unis sur le droit chemin : celui de la famille nucléaire blanche, hétéronormative, organisée autour des préceptes de la foi chrétienne et du capitalisme sauvage carburant au pétrole. dans un déni complet du réchauffement climatique…et de la science as whole, évidemment.


Les wokes américains ont commencé à sonner l’alarme au milieu de l’été dernier. Les pages du Projet 2025 circulaient abondamment sur TikTok et Instagram et ça a pris beaucoup de temps avant que les médias traditionnels s’y intéressent, ce qui a contribué à alimenter la fracture déjà omniprésente entre la jeunesse progressiste et les médias de masse.
Bref, j’avais entendu parler de ce think tank qui a l’habitude d’élaborer des politiques publiques qui parfois ensuite récupérées par des élus et leurs conseillers, mais je ne me doutais pas que les républicains les plus hardcores avaient suffisamment confiance en Donald Trump pour lui confier les rênes du plus récent programme. On a tendance à l’oublier, mais les républicains de toute allégeance ont mis du temps à embarquer dans le bandwagon MAGA. Même eux étaient conscients way back que Donald Trump est un fucking clown.
Or, le clown s’est finalement révélé assez utile durant son premier mandat.
« I was able to kill Roe v Wade », a-t-il claironné depuis le purgatoire pour rappeler comment ses nominations partisanes à la Cour suprême ont permis d’enfoncer les derniers clous dans le cercueil de l’arrêt Roe v Wade, le jugement protégeant l’accès à l’avortement à l’échelle nationale, en vigueur depuis 1973. Un cadeau présidentiel et providentiel pour un parti gangrené par des Jesus freaks qui aspirent à imposer une théocratie en sol américain.
Donald Trump messie pour les uns, antéchrist pour les autres. Depuis son retour au pouvoir, le président américain semble investi d’une mission. Il y a d’abord eu la centaine de décrets signés dans les premières heures passées dans le bureau ovale. Puis il y a eu le changement de ton. Donald Trump est plus belliqueux que jamais, il cherche le fight avec tout le monde, alliés traditionnels compris. Pas tout le monde en fait. Parce que dans un revirement spectaculaire dont lui seul a le secret, voilà que Trump fait les yeux doux à la Russie et à son président Vladimir Poutine, pourtant le némésis par excellence des occupants de la Maison Blanche.
Voilà que Trump tourne le dos à l’Ukraine et qu’il accuse son président, Volodymyr Zelensky, d’être un « dictateur sans élection ». Le même Trump qui a eu tellement de mal à digérer sa défaite contre Joe Biden qu’il a entraîné des citoyens dans une insurrection.
Voilà que Trump, un magnat de l’immobilier qui a cumulé les échecs financiers avant de flirter avec l’univers de la téléréalité, décrit son homologue ukrainien comme un « comédien au succès modeste ».
Voilà que les États-Unis s’alignent sur la Corée du Nord et l’Iran pour soutenir la Russie à l’Assemblée générale des Nations Unies.
Voilà qu’il n’y a plus aucune limite à l’indécence.
Ce changement brutal d’allégeance a provoqué une onde de choc dans le monde occidental. On a parlé de trahison dans les médias. Les observateurs et les analystes rapportent que nos leaders sont évidemment complètement désemparés. Les théories les plus farfelues se multiplient pour essayer d’expliquer la volte-face de Washington face à Kiev au-delà des considérations économiques. Donald Trump est-il un pantin à la solde du Kremlin? Les Russes utilisent-ils le nom code « Krasnov » pour parler de lui? Sa première femme, Ivana Trump (maman d’Ivanka, oui), née en Tchécoslovaquie, a-t-elle été la sirène qui a alerté jadis les autorités russes sur son potentiel comme homme politique?
Rendu là, tout est possible, plus rien ne m’étonne, mais tant qu’à spéculer, je crois bien humblement qu’il y a une piste de réponse bien plus simple déjà à notre portée.
Je vais dire quelque chose de gros (et de vulgaire) : je pense que Donald Trump et sa garde rapprochée (conseillers, broligarques) sont bandés ben raide sur Vladimir Poutine.
Je pense qu’ils l’admirent, qu’ils le vénèrent, qu’ils le jalousent, même.
Vladimir Poutine a la mainmise sur le pouvoir exécutif de la Russie depuis 1999, alternant entre le titre de premier ministre et le titre de président.
Le mage du Kremlin a survécu politiquement aux administrations de Bill Clinton, George W. Bush (x2), Barack Obama (x2), Donald Trump (x2) et de Joe Biden. Man, il a survécu politiquement à 5 hommes différents.
Rappelons qu’à force d’entourloupettes pour modifier la Constitution, le président russe a réussi à :
Prolonger les mandats présidentiels, les faisant passer de 4 à 6 ans
Renforcer les pouvoirs du président sur le pouvoir judiciaire
Accorder l’immunité à vie aux anciens présidents (c’est-à-dire lui) et à leurs familles
C’est sans compter ses visées expansionnistes, amorcées avec l’annexion de la Crimée en 2014 et ses mesures pour réaffirmer les « valeurs traditionnelles » de la Russie. Il y a eu l’interdiction du mariage gai, mais aussi l’ajout de la mention de notre ~Dieu tout-puissant~, our Lord and Savior, directement dans la Constitution russe. Ça ne vous rappelle pas quelque chose? Quelque chose comme le Projet 2025?
Vladimir Poutine règne en roi et maître sur la Russie depuis un quart de siècle. Lui et sa petite clique d’hommes d’affaires s’accaparent le pouvoir grâce à un vaste système de corruption. Sa plus récente réforme constitutionnelle lui permet potentiellement de rester en poste jusqu’en 2036, une situation facilitée parce qu’il a réussi à éliminer (au sens propre, on fera pas semblant) toute forme d’opposition en plus de mettre la police et les médias au pas.
Vous savez qui d’autre aimerait bien être roi et régner sans opposition sur un empire qui s’étend bien au-delà des États-Unis, du Groenland à Gaza?

Ça fait déjà quelques textes que je vous parle de la mouvance d’extrême droite qui se déploie sur internet depuis quelques années et qui a réussi à infiltrer le monde politique partout en Occident.
L’extrême droite dont je parle est intimement liée à la révolution technologique amorcée depuis les années 90 et s’appuie sur deux gros courants : l’accélérationnisme et la néoréaction (NRx ou « Dark enlightment/Lumières obscures » pour les intimes) .
Je vais résumer grossièrement pour ceux qui n’ont pas lu mes textes précédents (vous boudez votre plaisir). Dans l’fond, sur internet y’a une gang de gens qui sont persuadés que la civilisation occidentale est en train de s’effondrer à cause de la crise climatique et la raréfaction des ressources, l’instabilité politique et économique, la multiplication des conflits mondiaux et des catastrophes naturelles pis l’augmentation du nombre réfugiés qui en découle (agitez ici l’épouvantail du « Grand remplacement »). Évidemment, la pandémie n’a rien fait pour aider. L’humanité est à l'ère des polycrises, c’est-à-dire qu’il y a plein de problèmes partout et en même temps qui sont somewhat interreliés.
Du point de vue des accélérationnistes, ça ne sert à rien d’assister passivement à la lente agonie de la civilisation; vaut mieux précipiter sa fin en faisant imploser le système de l’intérieur, par exemple en déréglementant l’économie et en poussant le late stage capitalism à son paroxysme ou encore en multipliant les attentats pour semer la panique au sein de la population ou encore en plongeant un pays puissant comme les États-Unis (ou en Corée du Sud!) dans une crise constitutionnelle qui pourrait ensuite déboucher sur la loi martiale.
Les néo-réactionnaires, eux, considèrent que la démocratie est un échec. De leur point de vue, la seule façon viable de gérer la société c’est de la diriger de façon autoritaire. Dans la version modérée (lol) de la néoréaction, la nation est dirigée comme une entreprise avec un PDG et un conseil d’administration. Dans sa version extrême, elle est dirigée par un roi, un César des temps modernes, qui règne sur le pays et ses loyaux sujets avec une main de fer. Le pouvoir est en parti délégué à des seigneurs. Oui, c’est presque comme dans le système féodal dont on vous a parlé dans vos cours d’histoire en secondaire 2. Ici, les seigneurs seraient les fameux broligarques de la Silicon Valley parce qu’ils sont fucking riches et à la tête d’entreprises qui savent tout sur nous et qui nous surveillent quotidiennement. C’est pour ça que des universitaires comme le toujours très pertinent Jonathan Durand-Folco parlent de « techno-fascisme » ou de « techno-féodalisme ».
C’est gros et c’est fucked up, je sais, mais croyez-moi, il y a des gens en ce moment qui militent activement pour que cette vision dystopique de la société se réalise. Et de leur point de vue, Vladimir Poutine est peut-être le premier « César » successful de notre ère.
Un des pères de la néoréaction entretient des liens étroits avec le pouvoir à Washington. Il s’appelle Curtis Yarvin, c’est un ingénieur informatique, également philosophe à ses heures. Il est creepy et raciste et il partage ses écrits sur internet depuis environ 20 ans sous le nom de plume « Mencius Moldbug ». Ce n’est pas une blague, non. Cet homme de 51 ans, qui utilise un pseudonyme qui a l’air tout droit sorti de l’univers d’Harry Potter (genre la maison Poufsouffle, celle des losers), a somehow trouvé la crédibilité nécessaire pour amadouer un certain public dans la Silicon Valley.

Curtis Yarvin bénéficie de l’appui financier de Peter Thiel, un broligarque de l’ombre qui est surtout connu pour avoir co-fondé une entreprise qui est éventuellement devenue Paypal, le géant des transactions bancaires numériques. C’est au cours de cette aventure que Peter Thiel fera la connaissance d’un certain Elon Musk et de d’autres gars vraiment nerdy qui rejoindront la grande famille Paypal pour devenir ce qu’on appelle la « Paypal Mafia », un groupe de dudes qui ont changé à jamais le visage de la Silicon Valley à coup de start-ups fructueuses. Pour vous donner une idée, les créateurs de LinkedIn, Tesla, YouTube et Yelp viennent de cette gang-là.

Une partie de ces hommes est accusée d’avoir contribuer à « droitiser » la Silicon Valley, même si la plupart d’entre eux ont longtemps été associés au camp démocrate avant de faire un virage radical à la manière d’Elon Musk. Peter Thiel, lui, est un libertarien de longue date proche des républicains. Et il a le bras long. C’est un monsieur mégalomane un peu zinzin qui a une drôle de vision pour les États-Unis et l’humanité en général : il a déjà écrit que, selon lui, la démocratie et la liberté ne sont pas compatibles. Il a d’ailleurs eu une phase où il voulait créer des cités flottantes libertariennes dans les eaux internationales pour se soustraire à la loi des hommes. Il est aussi très fan de biohacking (dans son cas, on parle de manipulations génétiques et corporelles semi-légales) et est obsédé par l’idée de tromper la mort. Peter Thiel a également pris l’habitude de financer les campagnes de candidats républicains anti-avortement ainsi que les business ventures qui remettent en question l’utilisation de la pilule contraceptive. Il a aussi déjà indiqué publiquement qu’il était un peu gossé par le droit de vote des femmes.
« Les années 1920 ont été la dernière décennie de l’histoire américaine où on pouvait être véritablement optimiste à l’égard de la politique. Depuis 1920, la forte augmentation du nombre de bénéficiaires de l’aide sociale et l’extension du droit de vote aux femmes – deux groupes d’individus notoirement difficiles pour les libertariens – ont transformé la notion de ''démocratie capitaliste'' en un oxymore ». — Peter Thiel, un broligarque comme les autres
Au cas où vous l’auriez pas encore compris, si on vivait dans une dystopie pour vrai, Curtis Yarvin et Peter Thiel seraient les gros méchants. On n’en est pas encore là, mais les accélérationnistes travaillent très fort en coulisse avec les néo-réactionnaires pour nous conduire droit dans le mur. Tous les jours on a des grosses semaines, remember?
En plus de backer financièrement Curtis Yarvin/Mencius Moldbug depuis des années, Peter Thiel backe également JD Vance, le vice-président américain, qui s’est récemment amusé à envoyer chier l’Europe lors d’une visite officielle. Et comme toute est dans toute, JD Vance est un fan inconditionnel de Curtis Yarvin; il le cite dans des podcasts. Les écrits de Curtis sont également populaires auprès de Steve Bannon, architecte du virage ethnonationaliste et pan-européen de Breitbart News, un média d’extrême droite. Bannon est également un conseiller non officiel de Donald Trump (vous l’avez peut-être vu faire un salut nazi sur un stage la semaine dernière) et membre influent du mouvement MAGA. Vous suivez toujours? Curtis Yarvin est aussi le grand chum de Michael Anton, directeur de l’équipe des planifications politiques du département d’État des États-Unis, soit l’organe américain dédié aux relations internationales. D’ailleurs Michael Anton aime lui aussi les pseudonymes, comme Curtis Yarvin. En effet, les médias américains ont révélé qu’il écrivait de drôles de textes (lire : islamophobes et vaguement conspirationnistes) sous le nom de plume Publius Decius Mus. Pour info, « Publius Decius Mus est un Romain célèbre par son dévouement, qui alla jusqu'au sacrifice de sa vie ». On remercie Wikipédia pour ça.
Y’a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond au sein de la garde rapprochée de Donald Trump. Si vous doutiez encore de l’aura techno-fasciste qui plane sur cette administration, c’est le moment de vous réveiller.
Je rappelle que pendant la dernière campagne électorale, Donald Trump a affirmé que si les Américains votaient pour lui cette fois, ils « n’auraient plus jamais besoin de voter à nouveau ». Fast-forward janvier 2025 : quelques jours à peine après l’investiture, un élu républicain proposait l’idée de modifier la Constitution pour permettre à Donald Trump d’aller chercher un 3e mandat, une idée que Trump lui-même se plaît dorénavant à relayer.
On assiste également au démantèlement de la fonction publique américaine avec le renvoi massif de milliers d’employés commandé par Elon Musk, un broligarque non élu qui agit comme s’il avait les clés de la Maison Blanche. Le renvoi des fonctionnaires, c’est une des mesures préconisées par Curtis Yarvin pour asseoir l’autorité du césar. Une cure minceur que le père de la néoréaction a baptisé « RAGE » soit « Retire All Government Employees ». Curtis Yarvin est également en croisade contre les médias et les universités qu’il accuse de tirer les ficelles dans la société américaine. Il utilise l’expression « la Cathédrale » pour les désigner en insistant sur le caractère supposément secret et fourbe de leurs actions.
Je sais que vous lisez tout ça et que vous vous dites que Curtis Yarvin est un fou et que ça se peut pas que ses idées voyagent pour vrai pis qu’elles atteignent les plus hautes sphères et pourtant, chaque jour on a des preuves concrètes de l’influence grandissante de Curtis Yarvin sur l’administration Trump.
Je veux dire, le président américain est rendu à tweeter des affaires de même.

Vous pouvez lire un portrait sur Curtis Yarvin en cliquant ici
Et vous pouvez l’entendre défendre sa vision de l’Amérique de vive voix juste ici :
Je disais que pour l’extrême droite, Vladimir Poutine est comme un césar qui a « réussi ». Et cela explique, selon moi, le changement de ton des élites américaines à son égard. Je vais aller plus loin en disant que ce changement de ton-là, il est dans notre face depuis un boutte, c’est juste qu’on n’avait pas encore connecté les fils. Je m’explique.
Vous vous rappelez du voyage en Russie de Tucker Carlson? Tucker Carlson, pour ceux qui le connaissent pas, c’est un commentateur conservateur américain. C’est un libertarien proche des républicains. Il a animé plusieurs émissions à succès qui ont fait l’objet de nombreuses critiques parce que Tucker Carlson a la fâcheuse habitude de mentir pour peu qu’on s’intéresse à la vérité. Le gars a une grande gueule, c’est un polémiste aussi cabotin qu’un Richard Martineau, mais il a réussi à se construire une crédibilité dans les cercles de droite et il est aimé d’une grande partie du public américain. Il a également conseillé Donald Trump sur certaines questions durant son premier mandat.
Tucker Carlson donc a effectué un voyage en Russie au début de 2024 pour lever le voile sur cette société ~mystérieuse~ diabolisée dans les manuels d’histoire américains. Il est revenu pâmé ben raide. D’abord, il a interviewé Vladimir Poutine avec une complaisance ahurissante ce qui a permis au président russe de répéter sa poutine (hihi) au sujet de l’Ukraine. Ensuite, dans les vidéos consacrées à son séjour en Russie, on le voit s’extasier devant la propreté des rues et devant le prix et la qualité de la bouffe à l’épicerie sans jamais mentionner toutefois qu’une grande partie de la population russe crève la dalle. En 2021, c’est un dixième de la population russe qui vivait sous le seuil de la pauvreté. C’est connu, la Russie abrite de grandes fortunes alors que le citoyen ordinaire en arrache. Or Tucker Carlson, qui est pourtant un farouche nationaliste pro-américain, s’est soudainement mis à dire un peu partout que le monde avait menti au sujet de la Russie, que la pauvre Russie avait fait l’objet d’une propagande injuste durant la Guerre froide.
Oui, mais non.
C’est-à-dire qu’on a tous grandi avec la vision des grands méchants Russes (avant qu’ils soient remplacés par les méchants Arabes après le 11 septembre 2001) en pensant que les États-Unis étaient le good guy. Non, effectivement, la Russie, ce n’est pas la caricature qu’en ont fait les États-Unis, mais c’est pas non plus le paradis terrestre, mettons. On peut doser la réhabilitation en tenant compte du fait que le pays est dirigé par un despote, tsé? Sauf que c’est pas ça que Tucker Carlson a fait. Lui c’est comme s’il avait bu le kool-aid pro-Poutine jusqu’à la dernière goutte. C’est vraiment bizarre qu’un des commentateurs conservateurs les plus en vue des États-Unis adopte du jour au lendemain un discours favorable à la Russie. Ma théorie c’est que c’est un discours qui avait déjà beaucoup de traction dans les cercles de droite et d’extrême droite que Tucker Carlson fréquente. On sait déjà que ce dernier a reçu Curtis Yarvin/Mencius Moldbug (je m’en remettrai jamais) en entrevue.
Vous pouvez écouter les opinions de Tucker au sujet de Vladimir Poutine juste ici ou encore vous contentez de cette pépite :
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« La chose la plus radicale pour moi au cours des huit jours que j'ai passés à Moscou n’a pas seulement été la rencontre avec son dirigeant […] un homme très apte. […] Ce qui était très choquant, très troublant, c'était la ville de Moscou, où je n'étais jamais allé... elle était tellement plus agréable que n'importe quelle ville de mon pays, tellement plus propre et plus jolie esthétiquement - son architecture, sa nourriture, son service - que n'importe quelle ville des États-Unis » — Tucker Carlson au Sommet mondial des gouvernement, en 2024
Maintenant, sachez que Tucker Carlson demeure proche de l’administration Trump. La preuve juste ici :
Surprise! Le fils de Tucker Carlson se ramasse à travailler pour JD Vance. La boucle est bouclée. On dirait que les pions se mettent tranquillement en place pour faciliter l’arrivée d’un césar calqué sur le modèle russe, vous ne trouvez pas? Quand on écoute Tucker Carlson parler de la beauté de la Russie, il y a quelque chose dans son phrasé qui évoque une splendeur qu’on aurait réussi à préserver, une splendeur qui aurait depuis longtemps échappé à l’Amérique et qu’il lui faudrait recouvrer peut-être.
Make America Great Again.
There you have it, folks. C’est pas mal là-dessus que je me base pour dire que Donald Trump et sa garde rapprochée capotent sur Vladimir Poutine. En fait, je pense qu’ils sont nombreux sur la planète à envier le statut du président russe. Parce que le pouvoir corrompt et Vladimir Poutine incarne le fantasme inavoué de tous ceux qui se lancent en politique pour les mauvaises raisons.
L’argent.
Le culte de la personnalité.
Un règne quasi ininterrompu.
Un legs qui laisse une marque indélébile sur l’Histoire.
What’s not to love? Sa majesté Vladimir Poutine vit sa best life avec ses chums de gars pendant que les chefs d’État des pays qui ont fait le pari de la démocratie se font remplacer au 4-5 ans, comme des losers. Je dis ça parce que j’imagine que pour quelqu’un qui est avide de pouvoir c’est dur sur l’ego de devoir céder sa place quand on convaincu de faire la bonne chose et d’être meilleur que ses prédécesseurs. C’est ingrat aussi, sachant tout ce qu’on sacrifie quand on se lance en politique. 4-5 ans c’est pas une fenêtre de temps qui suffit pour mener à bon terme un vrai projet de société et c’est certainement pas une fenêtre de temps suffisante pour entrer dans la postérité. C’est peut-être pour ça qu’ils sont nombreux à s’accrocher même quand la population leur montre la porte. Pas besoin d’être foncièrement machiavélique pour que le pouvoir monte à la tête au point de se croire indispensable au bien de la nation. Je pense à Macron en France, à Yoon Suk-yeol en Corée du Sud, à Biden aux États-Unis, à Trudeau au Canada et même à ce tannant de Coderre qui s’acharne à tenter sa chance dans tous les paliers de gouvernement.
Maintenant, imaginez ces personnalités-là sans garde-fous pour faire barrage à leurs ambitions et nous protéger de leurs egos. Hmm.
Ces jours-ci, je lis beaucoup sur le fascisme et la tyrannie. J’ai le goût de vous laisser sur quelques citations qui m’habitent beaucoup, peut-être serviront-elles de moteur pour vous aussi, pour passer au travers de ces journées qui sont en réalité des grosses semaines.
« Un seul mauvais exemple, une fois donné, est capable de corrompre toute une nation, et l'habitude devient une tyrannie »
(Voltaire)
« L'égoïsme des classes est un des soutiens les plus fermes de la tyrannie » (Émile Zola)
« Les limites de la tyrannie sont celles que tolère la patience de ceux qu'elle opprime »
(Frederick Douglass)
« Quand la tyrannie devient loi, la rébellion devient devoir »
(Thomas Jefferson, le dude qui avait des esclaves)
La question qui reste c'est :
Trump va supprimer le droit de vote des femmes, ce sera dans son second ou dans son troisième mandat ?
J'aime comment tu nous laisses avec les citations les plus déprimantes pour nous aider à passer à travers. (Cela dit, l'immobilisme et le découragement sont deux outils puissants pour le fascisme, et il ne faut pas y céder.)
Poutine incarne aussi la masculinité à son top pour des défenseurs d'une vision trad de la famille. Tout est là pour une bromance qui va crisser à terre la démocratie. Swwwwwweeeeeeeeeeet.