Merci d’avoir cliqué sur ce texte uniquement sur la base de son titre racoleur. Avouez que vous êtes intrigués. Écoutez, je ne vous ferai pas languir plus longtemps. La réponse est non. Vanessa Destiné n’est pas un homme. Je suis née femme et je me sens femme. Alors pourquoi lancer la question dans l’univers? Pour le fun de semer le doute et ainsi participer à votre initiation dans le merveilleux monde de la transvestigation. Grab your friends, wear your florals, on part.
La transvestigation, une contraction des mots « transgenre » et « investigation », est un phénomène de la complosphère qui gagne désormais du terrain dans les espaces virtuels plus mainstream.
Pour faire simple, sachez que certains de nos concitoyens croient dur comme fer qu’il y a un nombre important de personnes transgenres qui évoluent au sein de nos élites politico-médiatiques — évidemment corrompues et dépravées— en cachant leur condition. Dans quel but exactement? Ce n’est pas clair, il y a actually différentes écoles au sein de la complosphère, mais ce qui revient le plus souvent c’est que ça serait un rituel d’initiation lié aux activités pédo-satanistes de ces mêmes élites, omniprésentes à Hollywood et à Washington et dans d’autres haut lieux de pouvoir un peu partout sur la planète. Cette portion de la complosphère considère que les personnes trans sont des anomalies de la nature, des abominations, des êtres déviants, des personnes avec des problèmes de santé mentale qui ont vendu leur âme au diable et qu’il faut soit les sauver, soit les éliminer dépendamment de leur statut : victimes ou complices. Oui, complices, car selon les différentes théories du complot, certaines de ces élites déviantes auraient également les deux mains dans le deep state.
Le deep state, c’est quoi? Dans la sphère complotiste, ça réfère à un réseau secret composé de personnalités publiques, de fonctionnaires et de militants qui trempent dans l’occulte (Illuminatis, reptiliens, francs-maçons) et qui tirent les ficelles au sein de nos institutions politiques, économiques, médiatiques et culturelles dans le but d’instaurer un nouvel ordre mondial, soit un gouvernement mondial unique (qui serait évidemment contrôlé par les Juifs parce que l’antisémitisme n’est jamais bien loin quand il est question de théories du complot).
Insane, je sais. Je vous entends déjà protester devant votre écran. Listen, I don’t make the rules. Les théories du complot sont par défaut irrationnelles et les gens y adhèrent pour des raisons qui leur appartiennent. Je ne fais que relayer le phénomène et je pense bien humblement qu’il est temps qu’on s’y intéresse sérieusement. Ce courant-là a pris de l’ampleur durant la COVID, notamment avec le mouvement QAnon et non, il ne s’est pas éteint avec la « fin » de la pandémie. Y’a encore du monde qui baigne là-dedans au quotidien.
Les transvestigators font partie de ceux qui sont super actifs en ce moment. Il faut savoir que c’est pas nouveau la transvestigation. Quand j’étais au secondaire, dans le tournant des années 2000, la grosse affaire, c’était de dire que la chanteuse afro-américaine Ciara était un dude. Yep. Il y avait des variations à la légende urbaine, certains disaient qu’elle était intersexe (on utilisait le terme hermaphrodite à l’époque), d’autres disaient qu’elle était straight-up un dude qui avait eu quelques chirurgies à la manière des
« transsexuels » (c’était le terme jadis, don’t come for me Gen Z).



On se basait sur pas grand chose : le fait qu’elle était *vraiment grande* par rapport aux autres gonzesses de la pop et du RnB (alors qu’elle ne mesure que 5 pieds 7-ish selon mon bon chum Google), le fait qu’elle avait une silhouette athlétique, tsé un corps musclé mais lean avec des épaules larges pis pas full de boules ni de hanches? On trouvait que son visage était insondable, il était neutre, androgyne; autant féminin que masculin.
À l’époque, je ne savais pas que la couleur de peau de Ciara était également un facteur incriminant. Je ne connaissais pas le terme « misogynoir » qui définit la rencontre de la misogynie et du racisme tels que vécus par les femmes noires. Je n’étais pas consciente que des préjugés tenaces, hérités de l’époque coloniale, sur la féminité et la sexualité des femmes noires, nourrissaient la méfiance et le mépris à l’égard d’une popstar qui avait rien demandé et que ces mêmes préjugés tenaces étaient susceptibles de m’affecter moi, ado noire bacaisse qui pognait pas avec les gars. Je savais juste que tout le monde avait son opinion sur Ciara et que pour survivre à la jungle impitoyable du secondaire, il valait mieux pour moi de me désolidariser d’une autre femme noire en opposant ma féminité à la sienne.
Bref, je ne saurais vous dire comment cette rumeur sur Ciara est parvenue jusqu’à une gang d’ados fréquentant un collège privé de Rosemont, mais c’était notre oxygène back in the dayz. Une personne l’avait lu dans un magazine, une autre l’avait entendu de sa cousine qui allait souvent clubber à New York, une autre encore avait vu de quoi passer aux termes d’une recherche fortuite sur Netscape Navigator. On avait 15 ans et on flirtait avec la transvestigation sans même le savoir (et sans le volet pédo-sataniste). On regardait toutes les apparitions publiques de Ciara en checkant son corps à partir de la ceinture dans l’espoir de voir l’ombre d’une bosse confirmant qu’on avait affaire à un she-male.
Imaginez, à une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas encore, une armée de citoyens répartis aux quatre coins de la planète spéculaient déjà sur la nature des organes génitaux d’une vedette américaine. Je me rappelle qu’à un moment donné, Ciara a lancé une chanson intitulée « Like a Boy » (une des meilleures de son répertoire). Tout le monde a pris ça pour un aveu pis c’est devennu une affaire classée. Genre on a continué à écouter sa musique parce qu’on la trouvait crissement talentueuse. On était transphobes, racistes et misogynes, mais pas au point de bouder une artiste prometteuse qui nous offrait de solides bangerz propices aux grouillades et susceptibles de jouer durant nos sorties à la cabane à sucre.
Dans ma tête à moi, des légendes urbaines comme ça, ça servait à alimenter des conversations niaiseuses entre ados, à la cafétéria. Je ne pensais pas que les adultes aussi spéculaient sur les organes génitaux des autres. En tout cas pas de cette façon-là. Ma douce naïveté a pris fin avec l’élection de Barack Obama, en 2008.
J’avais 18 ans, j’avais le droit de vote, j’étais au cégep et j’avais des cours de sciences po et d’histoire. Je savais qu’on vivait un grand moment dans l’histoire de l’humanité, mes professeurs se pouvaient plus, il y avait une effervescence dans l’air qui nous donnait l’impression d’entrer dans une nouvelle ère(!) avec l’élection d’un homme noir à la tête des États-Unis, le pays le plus puissant du monde.
Barack Obama était plus jeune que ses prédécesseurs au moment d’entrer en fonction, il était cool, il était drôle, il savait jouer au basket, il avait deux filles vraiment trognonnes et une femme aussi inspirante et compétente que lui. Je me rappelle des articles de la presse traditionnelle sur Michelle Obama. On vantait ses diplômes de Princeton et de Harvard Law (Elle Woods, anyone?), son charisme, sa capacité à jongler carrière et maternité, son élégance, son corps athlétique mis en valeur dans des robes sans manches loin des petits tailleurs d’usage des Premières dames précédentes. Je me rappelle d’avoir lu et entendu une avalanche d’analyses sur ses toned arms. Vous rappelez-vous de ça, comment tout le monde a viré su’l top parce que Michelle avait des beaux bras tonifiés pas du tout gibelotant?
J’ai pris la peine de Googler sur le sujet dans le cadre cet article Substack pour être sûre que c’était pas un fever dream que j’avais eu.
Je vous en glisse un échantillon ici :
Why Mrs. O has right to ‘bare’ arms
Try This Arm Workout If You Want Michelle Obama's Arms
How to Get Michelle Obama's Toned Arms (No Gym Required!)
(Psst: We Feel Bad About Our Arms)
Michelle Obama’s toned arms are debated
A Farewell to Michelle Obama's Flawless Arms
Michelle Obama Has Given Up on Having “Michelle Obama Arms”
Soooooo, j’avais pas rêvé. Il y avait une véritable obsession maladive sur le corps de Michelle Obama alimentée par les médias traditionnels. Si les chroniqueurs s’extasiaient généralement devant les biceps de madame, dans les commentaires sous les articles, ça dérapait souvent. Il y avait un malaise.
« Too manly. »
Les internautes trouvaient ça bizarre qu’une femme puisse être aussi musclée naturellement, surtout après deux grossesses, pis qu’elle soit fière de le montrer.
« Too manly. »
Le physique de Michelle Obama est devenu un formidable sujet à exploiter sur les réseaux sociaux en plein essor qu’étaient Facebook et Twitter durant le premier mandat d’Obama. Un sujet à la fois people et politique, adapté aux partages d’images et parfait pour la ligne assassine de 140 caractères qui permettrait à son auteur de pogner son 15 minutes de gloire.
« Too manly. »
Et si Michelle Obama était vraiment un homme? C’est ce que défendait l’animatrice controversée aujourd’hui décédée, Joan Rivers, en 2014. Joan était connue pour sa méchanceté et pour sa tendance à répandre de la bullshit pour être le talk of the town. Il reste qu’elle a contribué à implanter cette idée de manière durable. Dans les espaces de discussion de droite et d’extrême droite comme 4chan, cette théorie a gagné en popularité à la fois comme blague et comme certitude. D’ailleurs, la théorie faisait bien l’affaire des « birthers », vous savez ces gens convaincus que Barack Obama est né au Kenya comme son papa plutôt qu’à Hawaii comme en atteste son certificat de naissance et qu’il est musulman parce que son vrai nom complet c’est Barack Hussein Obama? Vous rappelez-vous qui a été un des plus ardents défenseurs de cette théorie du complot?
Donald Trump.
Fast-forward 2025, Donald Trump est le président des États-Unis. Pour la 2e fois. L’espoir incarné par les Obamas a cédé la place à une forme de triste résignation. Il y a une frange importante de la population américaine qui n’a jamais digéré l’élection d’un président noir (et africain et musulman!1!1!!) et qui semble plus déterminée que jamais à nous en faire payer collectivement le prix à coup de décrets présidentiels qui ont des allures de règlements de comptes. Un ressac politique qui vise les droits fondamentaux des femmes de même que ceux des minorités ethniques et sexuelles. Parmi les architectes et les partisans de ce ressac, il y a beaucoup de monde qui haïssent plus ou moins ouvertement les femmes, les Noirs et les trans.
Ces gens-là appellent Michelle Obama « Big Mike ».
Il y a beaucoup de contenu consacré à « Big Mike » sur les réseaux sociaux. Ça pogne full sur YouTube et sur TikTok. Certains embarquent dans la théorie pour troller, d’autres parce qu’ils sont convaincus que Michelle Obama, née Michelle LaVaughn Robinson, était vraiment un garçon à la naissance, un garçon baptisé Michael LaVaughn Robinson qui a ensuite transitionné à l’âge adulte, APRÈS avoir rencontré Barack Obama. Et donc, selon leur logique (et celle de Joan Rivers d’ailleurs), Barack Obama est un homme gai dans le placard, ce qui est moyennement accepté au sein de l’extrême droite. La version 21e siècle de l’extrême tolère a un rapport un peu confus avec l’homosexualité, disons qu’elle tolère les gais à condition qu’ils ne soient pas efféminés (soyboys) et qu’ils se tiennent tranquilles (pas de gars qui dansent en caleçons sur des chars allégoriques roses, svp). Tolérance pour les gais donc, mais rejet complet des personnes trans, ça pour eux c’est inacceptable.
Bref, toujours selon l’extrême droite, Obama serait un homme gai (en plus d’être africain et musulman!!111!!).
Tiens donc. C’est un réflexe vieux comme le monde et c’est peut-être ce qui me fait le plus chier dans toute cette histoire : humilier la femme seulement pour mieux atteindre l’homme. Encore. Toujours.

Le premier mandat de Barack Obama correspond aussi à une ère culturelle particulière et foisonnante entre autres grâce à la présence de ce fame monster nommé Lady Gaga. La chanteuse a pris d’assaut la scène musicale avec l’excentricité qu’on lui connaît et une ouverture à la différence et à la diversité sexuelle qu’on n’avait pas vu depuis Madonna et Lady Di, ce qui a automatiquement fait d’elle quelqu’un de louche dans les milieux puritains américains, surtout qu’elle incorporait des éléments religieux dans sa musique, elle était accusée de blasphème (pensez à toune Judas). And just like that, du jour au lendemain, une rumeur voulant que Lady Gaga soit trans a commencé à circuler. Les gens se sont mis à tout scruter chez elle, en particulier son entrejambe moulée dans ses célèbres léotards. Lady Gaga s’est emparée de l’affaire et a trouvé une façon de l’incorporer à son art (comme ici, de 0:51 à 1:11) sans jamais chercher à dissiper la rumeur pour éviter d’être complice de cette idée tired and wasted que la pire chose qui puisse arriver à une personne c’est d’être trans.
J’en reviendrai jamais de l’entrevue de Lady Gaga avec Anderson Cooper, où ce dernier — un homme gai censé comprendre que ça se fait pas d’essayer de outer quelqu’un — lui demande si elle a un pénis.
À peu près 10 années séparent la rumeur sur Ciara de celle sur Lady Gaga. C’est très troublant de voir comment est passés collectivement de jokes et de commentaires niaiseux entres amis, dans la sphère privée, à des questions carrément posées par des journalistes dans le cadre d’entrevues sérieuses sous le couvert de l’intérêt public. Je sais pas si c’est le web qui a influencé les médias traditionnels ou si c’est les médias traditionnels qui ont décomplexé le web, mais je sais qu’à partir de ce moment-là, les vannes se sont ouvertes et le concept de transvestigation a comme été low-key légitimé?

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Depuis, le phénomène gagne chaque jour de nouveaux adeptes plus radicaux. Ces derniers, tout comme certains des early adopters, s’enfoncent de plus en plus dans leur délire en s’appuyant sur des gros mensonges et des images truquées partagés dans leur chambre d’écho. La transvestigation s’assimile maintenant à une panique morale ancrée dans l’air du temps, une chimère politique, reflet d’une crise de confiance aiguë à l’égard des institutions et de la démocratie as a whole. La transvestigation c’est aussi une opportunité d’affaires pour les charlatans de tout acabit à la recherche d’un public crédule à détrousser. C’est un phénomène qui concerne tout le monde parce que tout le monde est susceptible d’en être victime; il s’agit après tout de stigmatiser des personnes cisgenres sur fond de misogynie, de racisme, d’homophobie, de lesbophobie et de transphobie.
Vous aurez compris que la transvestigation, qui repose essentiellement sur des observations fucking random et subjectives, cible principalement les femmes. Au fil des ans, plusieurs célébrités féminines y sont passées : Madonna, Jennifer Aniston, l’ex PM néo-zélandaise Jacinda Aldern, Taylor Swift, Khloé Kardashian, etc. Il y a bien quelques hommes qui ont été visés : Harry Styles et Kyle Rittenhouse par exemple, mais ils demeurent marginaux.
Les femmes athlètes sont dans une ligue à part (c’est voulu, oui). Elles sont scrutée à la loupe, littéralement. Il suffit de voir comment les ligues sportives et les gérants d’estrade jugent les attributs physiques et les performances athlétiques de Serena Williams, Caster Semenya et Imane Khelif pour ne nommer qu’elles. À la place de les célébrer comme les êtres exceptionnels qu’elles sont, on les fait passer pour anormales.
Tout ça basé sur une interprétation complètement arbitraire et dépassée de ce que doivent être la féminité et la masculinité, tant du point de vue social que biologique. Oui, biologique aussi. Parce qu’au-delà de l’existence des personnes intersexes ou trans, il est tout à fait possible pour une femme cisgenre de produire énormément de testostérone à cause du syndrome des ovaires polykystiques par exemple, d’avoir des épaules larges, une voix grave et une forte pilosité pis de quand même être nulle à chier en sports. La biologie peut certainement offrir un avantage dans la vie d’un.e athlète, mais elle ne se substitue pas au travail, à la discipline et à la chance. Tout ça s’additionne. Et les hommes n’ont pas le monopole de l’excellence. Si vous voulez rager, vous pouvez lire l’histoire de Zhang Shan, médaillée olympique en tir sportif.
Je disais que plusieurs célébrités féminines ont fait les frais de la transvestigation. Ces jours-ci, c’est la femme du président français Emmanuel Macron, Brigitte Macron, née Trogneux, qui est sous le feu des projecteurs. Des transvestigators sont persuadés que Brigitte Macron s’appelle en réalité Jean-Michel Trogneux.
Jean-Michel Trogneux, c’est une vraie personne, c’est le frère de Brigitte en fait. Les transvestigators soutiennent toutefois que ce frère-là n’a jamais existé, principalement parce qu’on n’a jamais vu Brigitte et Jean-Michel dans une même pièce en public. C’est pas une joke. Les transvestigators sont persuadés que Brigitte Macron est né dans le corps d’un ti-gars pis qu’elle a entamé sa transition à l’âge adulte. Ce qui veut dire — toujours selon la logique implacable des transvestigators qui mélangent allègrement identité et orientation sexuelle selon ce qui fait leur affaire — qu’Emmanuel Macron est gai.
Ce qui a alimenté la méfiance des complotistes en tout genre envers le couple Macron, c’est d’abord leur différence d’âge et le fait que Brigitte a rencontré Emmanuel alors qu’il était son élève et qu’il était mineur. Brigitte avait 39 ans au moment de leur rencontre alors qu’Emmanuel n’en avait que 14. Et ça, pour les complotistes dont les transvestigators, ça constitue une preuve irréfutable de « grooming » aka un des passe-temps préféré de l’élite pédo-sataniste qui contrôle le monde. La boucle est bouclée. Vous vous rappelez du début de mon texte?
La théorie Brigitte/Jean-Michel a vu le jour en France, mais elle s’est rapidement répandue aux États-Unis. Parmi les personnes qui poussent le plus cette théorie du complot dans l’espace public, il y a Candace Owens, une influenceuse et polémiste conservatrice afro-américaine.
Candace Owens s’est fait connaître il y a quelques années à titre de YouTubeuse. Elle a lancé une série qui s’appelait « Redpill Black » dans laquelle elle prétendait être une progressiste récemment convertie au conservatisme devant l’incapacité des démocrates à améliorer les conditions de vie des Afro-Américains. Elle reproche par ailleurs à ces derniers d’être pognés dans une « mentalité de victime ». C’est le genre de fille qui chille avec Kanye West et qui soutient que l’esclavage est un choix, que le mouvement Black Lives Matter est gangrené par des bébés-lalas en mal d’attention et que la classe ouvrière afro-américaine n’a jamais été aussi pauvre, pas même durant les années de segrégation raciale. Évidemment, elle s’identifie comme chrétienne, mais aussi comme anti-féministe, anti-avortement, anti-trans, anti-immigration, climatosceptique, antisémite et partiellement négationniste (elle conteste certaines choses au sujet des chambres à gaz).
Candace Owens est aux personnes noires ce que Caitlin Jenner est aux personnes trans sauf que contrairement à Caitlin qui se fait relativement discrète depuis la fin de sa présence dans l’émission Les Kardashians, Candace s’est montée un véritable empire médiatique. Pendant un boutte, entre 2017 et 2024, elle a été la caution noire par laquelle la droite républicaine passait pour varger sur les Afro-Américains. Mais elle était trop loose cannon même pour eux, notamment à cause de ses opinions sur Israël. Genre elle veut pas que les contribuables américains financent le génocide, pas parce qu’elle est pro-Palestiniens, mais bien parce qu’elle haït les Juifs autant qu’elle haït les Arabes et les musulmans.
Candace Owens est une figure appréciée au sein de la complosphère, de la fachosphère et de la manosphère. Elle réussit à rallier ces publics dont les intérêts ont commencé à converger durant le premier mandat de Donald Trump puis pendant la pandémie. Il y a deux semaines, je vous ai partagé mon article au sujet de ce jeune afro-américain qui a commis un attentat dans son école secondaire au nom de la suprématie blanche. Dans le manifeste qu’il a laissé derrière, il a cité Candace Owens comme une de ses influences. Il a dit qu’elle lui avait « ouvert les yeux ».
Bref, cette fille-là a réussi à se monter un auditoire qui la suit envers et contre tout et qui a sauté à pieds joint dans son nouveau projet : « Becoming Brigitte », un podcast et un livre qui dévoilent la « vérité » au sujet de Brigitte Macron. Le podcast, qui est également diffusé sur YouTube, fait un carton, mes chums. Des millions de vues à chaque nouvel épisode. Celui qui a été uploadé vendredi a déjà 1,1 million de vues. Les gens consomment ça comme un divertissement, comme une balado true-crime de Victoria Charlton genre. Pis je comprends, je veux dire, j’ai écouté pis c’est bon. C’est cave et malhonnête, mais c’est comme un sac de chips. Again, c’est un divertissement, mais y’a des gens qui écoutent ça et qui prennent ça pour la vérité.
L’équipe des Décrypteurs de Radio-Canada a fait un excellent dossier sur le sujet, je vous invite fortement à écouter leur reportage en cliquant ici. Et je vous invite à porter attention à la section commentaires sous la vidéo de Candace Owens et sous celle des Décrypteurs : des gens de partout dans le monde sont convaincus que les « élites » nous mentent.


Faque vous aurez compris que le Québec n’échappe pas au phénomène. Il y a des transvestigators parmi nous. Certains partagent des commentaires au sujet des cas internationaux comme Brigitte Macron, Michelle Obama, Imane Khelif et Serena Williams (il y a regain d’intérêt pour cette dernière depuis la mi-temps du Superbowl) notamment. D’autres se sont mis en tête de débusquer des cas québécois. En ce moment, c’est la formidable Charlotte Cardin qui fait les frais de ce mouvement haineux qui étend ses tentacules partout.




C’est drôle, mais en lisant ces gens avec attention depuis la dernière année, je pense pas que c’est tant les reptiliens et les Illuminatis ni même les trans qui les dérangent, même si c’est très clair que les trans représentent l’ennemi public numéro 1 en ce moment. Non, ce qui les dérange vraiment dans leur core, ce sont les femmes fortes qui prennent leur place, qui défient les conventions, qui existent en dehors du male gaze. Ce sont les hommes qui proposent un autre modèle de masculinité, doux et sensible. Ce sont les personnes qui chamboulent leur vision traditionnelle et simpliste — mais ô combien rassurante pour les petits esprits comme eux — de la société. Leurs commentaires pourraient être drôles s’ils étaient encore confinés à la marge de l’internet. Mais présentement, on assiste plutôt à leur normalisation voire à leur banalisation. Les transvestigators ne se cachent plus et ne connaissent pas la honte. Je suis inquiète, mais pas surprise. Parce qu’il n’y a rien de plus banal que la haine des femmes.
Avouez que vous vous étiez ennuyés d’Errol Musk?
Babe, merci de lire mes textes interminables sur Grimelle Substack! Si t’aime ça, fait donc découvrir mon contenu au plus grand nombre, aide-moi à devenir célèbre comme Candace Owens, mais pour les bonnes raisons genre <3
Toujours intéressant (et un brin désespérant) de lire vos articles! Quel travail énorme ça doit être! Merci de le faire et de le partager avec nous!
Nous les appelions les “langues sales”.